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vée à Nuoro, je lui ai dit : — Vous aurez une surprise à votre retour. — Est-ce vrai don Effisio ?

— Laisse-moi la paix ; tu sais bien que je ne [ais pas attention à ces niaiseries, lui répondit-il, ce qui en ma présence la mortifia beaucoup.

Je rétablis sa bonne humeur et captai toute sa confiance en déclarant qu’Effisio avait tort de mépriser ces choses, qu’il y avait des faits extraordinaires, etc. Être ainsi prise au sérieux par un homme qui avait tant vu de choses, par un Français de Paris, Angela ne s’en sentait pas d’aise : elle conçut dès lors pour moi une haute estime et me communiqua toutes ses rêveries, ce qui fut un ennui sans compensation ; car c’était toujours la même chose. Mais je l’avais bien mérité.

Angela m’avait préparé la plus belle chambre, mais, à son grand étonnement, j’en pris une sous les toits, au second étage, tant à cause de son plafond original que par sa belle vue sur la route et la montagne. Ce plafond, en angle aigu, ou plutôt cette couverture, car immédiatement au-dessus venaient les tuiles, était formé de trois poutres de chênes non équarries et de petites poutrelles dans le sens de la retombée du toit, sur lesquelles posait un tissu de cannes, ces grands roseaux (sortes de bambous de petite espèce) cultivés dans tout le Midi et qui font ici les toitures à l’aide d’un enduit de chaux jeté dessus, extérieurement. Ce plafond et la fenêtre fixèrent mon choix, en dépit d’Angela, qui m’objectait que les meubles n’étaient pas assez beaux pour ma seigneurie. En revanche, les murs blanchis à la chaux offraient de fort beaux tableaux de sainteté, dont l’un entr’autres représentait saint Effisio en cuirasse, donnant la main à la Sardaigne en costume de fiancée. Et dehors, un plus beau tableau que ceux d’aucun musée, varié, mouvant, inimitable, achevé, et que pourtant retouchaient sans cesse deux grands peintres : le soleil et l’ombre.