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Elle était plus bourgeoise que celle de Ribas, grande, assez bien distribuée, avec des volets verts ; deux grandes salles au rez-de-chaussée, autant à l’étage au-dessus, avec de nombreux recoins partout ; les plafonds étaient peints comme les murailles.

— Un palazzo ! dis-je, — à la manière des Italiens qui nomment palais tout ce qui n’est pas cabane ; Grazia sera là dedans la reine de Nuoro.

Une vieille femme, vêtue de noir, en se qualité de veuve, était venue à ma rencontre et m’avait souhaité la bienvenue. C’était la ménagère et la nourrice d’Effisio, la vieille Angela. En la voyant, je ne pus retenir un sourire ; car c’était, m’avait dit Grazia, une femme qui avait sept esprits. C’était beaucoup pour une simple femme, et beaucoup aussi pour Nuoro !

— Mais que fait-elle de ses sept esprits ?

— Ils lui parlent souvent et lui disent ce qui va se passer. Quelquefois, la nuit, elle ne peut dormir, tant ils l’agitent, les uns lui rappelant le passé, les autres lui disant l’avenir. Ne vous moquez pas ! la vieille Angela n’est pas une menteuse, et d’ailleurs elle a fait voir souvent que c’était vrai.

— Ah ! veuillez me citer une de ses prophéties ?

— Je ne me rappelle pas bien… Par exemple, il y a quelques mois, un homme est tombé de cheval et s’est fendu la tête contre un mur. Eh bien ! la vieille Angela avait déjà dit depuis plusieurs jours : — Je sens un malheur qui va venir.

On ne pouvait nier que la chose ne fût concluante.

Les mystiques sont des natures compliquées et mystérieuses, qui ont toujours excité ma curiosité ; je m’étais promis de questionner Angela, et lui demandai dès l’abord si elle avait deviné que j’allais venir.

— Pour aujourd’hui, signor, ça ne m’était pas difficile ; mais quand don Effisio est parti pour la chasse, deux jours avant votre arri-