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vait-elle qu’inquiète et effarouchée, elle se rejetait en arrière.

— Non, non, me disait-elle un jour que j’élevais contre l’autorité paternelle le droit de l’enfant, non, c’est un crime que de ne pas obéir à ses parents ; c’est le commandement de Dieu, et sur ce point vos lois sont impies.

Elle aussi avait le patriotisme excessif, et c’était peut-être une des raisons qui lui faisaient accepter comme sacrées les coutumes de son pays. Elle était Sarde de cœur et d’esprit et avant tout Gallurienne et Nuorésienne. Sa montagne était sa patrie, et sa patrie ne pouvait être que la meilleure partie du monde. Elle eût bien voulu voir et savoir ce qui se passait ailleurs, et y choisir à son gré ; mais, à la réserve de ne point blâmer ce qui se faisait en Gallura. On eut dit un chevreuil de la forêt, curieux d’observer la plaine, et sorti pour cela du couvert des bois, mais qui au moindre bruit s’y rejette. Gouvernée d’ailleurs, comme toutes les femmes de son pays par l’idéal religieux, je la voyais, prosternée à l’église, confier à Dieu ou à la bonne Vierge le secret de ses amours.

Ainsi passa la semaine réclamée par l’humeur hospitalière de don Antonio, et je pris congé de mes hôtes pour aller m’établir chez Effisio. Ce fut avec une émotion sincère que nous nous quittámes. De Ribas me jura qu’il aurait voulu me garder toujours, et m’engagea à venir chasser avec lui. Dona Francesca s’arracha à ses préoccupations de ménagère pour venir me saluer, d’un air attendri. L’aïeule mit solennellement sa main sur ma tête et me souhaita les bénédictions du ciel. Je vis sur les yeux de Grazia un voile humide. L’Effisedda voulut m’embrasser et Quirico me combla de poignées de main, aussi franches au fond que peu nettes à la surface. Je leur laissais et j’emportais d’eux quelque chose de familial. Cette hospitalité, si religieuse, si cordiale, prend le cœur.

— Nous y retournerons tous les jours, dis à Effieio, quand nous fames sortis.