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à la fenêtre, se regardaient et se parlaient. C’étaient, en vérité, de curieuses histoires, qui tenaient à faire de la Sardaigne le premier pays du monde habité, et ne pouvant la pousser bien haut dans le présent, la faisaient du moins dans le passé fabuleusement importante. Le père Madao, l’un de mes auteurs, affirmait l’existence d’une race de géants avant le déluge et, bientôt après, de longues dynasties de princes, au nombre desquels il compte Phorcus, fils de Neptune et arrière-petit-fils de Noé, et sa fille Méduse. Tous les fils de dieux, tous les héros de l’antiquité, tous les peuples sacrés par la poésie ou par l’histoire, viennent gouverner et coloniser la Sardaigne ; Sardus, fils d’Hercule ; Hercule lui-même, Iolas, Aristée ; et les Phéniciens, et les Ioniens de la fine Attique, et les Troyens errants à la recherche d’une patrie…

M’étant permis de sourire de ces facéties, je pus voir que le patriotisme sarde, si vif chez ces historiens, ne l’était guère moins dans la nation, même chez les plus intelligents ; car Effisio fat piqué de mes railleries, au point d’abandonner la conversation qu’il avait avec Grazia pour se jeter dans une dissertation sur la ressemblance qui existerait encore entre les coutumes des Sardes et celles qu’Homère a dépeintes dans l’Odyssée.

— Nos pasteurs, dit-il, font rôtir leur viande comme les Grecs d’autrefois ; certaines populations, comme à Orgosolos, par exemple, s’oignent encore d’huile le corps et les cheveux ; nos garçons, jusqu’à leur mariage, couchent sur des nattes, comme on y voit coucher Télémaque chez Ménélas…

André Léo.

(À suivre.)