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Quelqu’un pleurait ; c’était Effisedda, et j’avais le cœur navré de son chagrin. Je lui pris la main, en la priant de me conserver son amitié. Elle éclata en sanglots :

— Quand reviendras-tu ? dit-elle. Oh ! reviens, je t’en supplie !

— Je reviendrai sans doute, lui dis-je, et d’ici là je penserai à toi, comme à une sœur chérie.

Elle ne me répondit pas et continua de pleurer.

Le lendemain matin, à trois heures, Cabizudu portait ma malle à la diligence, et je partais, accompagné d’Effisio.

Six mois après la mort de Nieddu, Raimonda, jusque là tenue en prison, passa en jugement. Elle fut acquittée à la presque unanimité. Le jour suivant, un jeune homme du pays, riche et considéré, entra chez elle :

— Raimonda, lui dit-il, je t’admire et je je t’aime ! Veux-tu m’épouser ?

Elle répondit :

— Non ! C’est pour moi que Nieddu est mort, et je l’aime toujours.

— Épouse-moi !… reprit-il ; je ne serai pas jaloux de son souvenir, et je m’honorerai d’une femme telle que toi. Tu vas, je le sais, mettre un enfant au monde, et tu vivras difficilement, dans une extrême pauvreté. Sois ma femme, j’élèverai ton enfant et, suivant ta volonté, il portera le nom de Fedele Nieddu, ou le mien.

— Je te remercie, dit-elle ; mais je resterai fidèle à Nieddu jusqu’à la mort !

Effisio et Grazia sont mariés et me parlent souvent de leur bonheur. Une de leurs dernières lettres m’annonce que ma gentille petite amie, Effisedda, qui parle toujours de moi avec affection, est décidément amoureuse d’un beau jeune garçon, ami d’Effisio, et en est aimée. Ce mariage aura l’approbation de don Antonio. Mes deux amis projettent de venir me voir en France ; mais pour m’inviter à venir chez eux, ils attendent que le brave mercier Cao, leur voisin, qui tout doucement fait sa fortune, soit mort ou emprisonné.

André Léo.
FIN.