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plus tard. Il s’assit donc à une table voisine de la nôtre, séparée toutefois par la largeur de l’entrée, et placée tout près du seuil ; puis, à voix haute, il demanda de la bière.

Je ne pensais plus qu’à entraîner Effisio loin de cet homme, que, je le voyais bien, il méditait de tuer, ouvertement peut-être. Toutefois, pour le moment, il n’avait pas d’armes, et moi seul j’avais mon revolver en poche, suivant la coutume des bourgeois de ce pays. J’ouvrais la bouche pour le prier d’achever con café et de me suivre, quand mon attention fut attirée sur une personne qui passait de l’autre côté de la route. C’était bien Raimonda I J’avais eu peine au premier coup d’œil, à la reconnaître, tant cette nuit l’avait changée ! Elle portait son costume de la veille, costume de fête, que maculaient de larges taches de sang, et marchait les bras croisés, d’un air étrange, mais d’un pas ferme et régulier, en regardant autour d’elle. Ayant jeté les yeux de notre côté, elle s’arrêta. Certainement, elle venait de reconnaitre l’assassin. Oppressé, je l’observais ; mais je la vis reprendre sa marche et disparaîtra. Revenant alors à ma préoccupation, je demandai à Effisio de me suivre.

— Non ! me répondit-il, à mi-voix, un peu plus tard.

Et il froissa le journal, qu’il faisait semblant de lire. Il m’avoua le soir de cette journée que, bien décidé à tuer Pietro pour sauver la vie de Grazia, il regrettait de n’avoir pas d’armes et songeait à se saisir de mon revolver ; mais il hésitait, retenu par la promesse qu’il m’avait faite, que je n’avais rien à craindre pour aujourd’hui.

À ce moment, une ombre se fit sur le seuil et, tournant la tête, je vis Raimonda qui décroisait ses bras d’un grand geste brusque. Elle était derrière Pietro de Murgia. Celui-ci poussa une sorte de hurlement affreux, étendit les bras, et tomba en arrière en renversant sa chaise et en se débattant. En un instant, les carreaux furent rougis de sang. Raimonda s’était reculée ; mais restait sur le seuil, et debout, immobile, elle contemplait les convulsions de sa victime ! Don Antonio s’était levé précipitamment, ainsi que nous tous. Il semblait atterré plus que désolé. Tout-à-coup, se tournant vers Raimonda, et tirant sa dague :