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assurait avoir vu la signora Tolugheddu embrasser comme une relique Pietro de Murgia.

Cependant, Preddu Floris assurait ne pas avoir quitté Murgia de la soirée ; ils étaient allés, en causant, pendant quelques minutes, sous les chênes, et ils étaient revenus vers les Pisani et les Calvo, comme ceux-ci partaient. Quelques-uns disaient, en effet, avoir va Pietro à cette heure-là. Était-ce avant ou après l’assassinat ? Les affirmations différaient et étaient fort indécises.

En général, on regrettait vivement Nieddu ; beaucoup le pleuraient. Mais Pietro de Murgia, s’il n’avait des amis, avait un parti qui le soutenait, et l’influence des Ribas et des Tolugheddu, que l’on sentait derrière lui, retenait bien des paroles, atténuait bien des affirmations.

Nous apprîmes tout cela confusément par Angela, et je serais sorti pour en apprendre davantage, ou pour entendre moi-même ce qui se disait, si j’avais osé quitter Effisio. Il était dans un état, que je connaissais trop bien pour l’avoir observé déjà : parole brève, sourire convulsif, les veines de la face gonflées, l’œil fixe, et visiblement pris d’une obsession, qu’il cherchait en vain à cacher. Je craignais qu’il ne méditât un coup de désespoir, et quand ce fut lui qui me proposa de sortir, je le suppliai de rester, ou de venir simplement se promener avec moi à la campagne.

— Laisse donc ! dit-il, je suis las de me cacher ; je veux reprendre la vie du dehors ; il me faut de l’air et du mouvement. Laisse-moi voir les hommes. Ils sont assez étranges pour cela ! Je ne puis faire toujours le mort !

Il était plus étrange que personne en parlant ainsi, et je le regardais avec anxiété. Il vit bien mes craintes :

— Allons ! reprit-il, avec une légère convulsion d’impatience, n’insiste pas ! S’il te faut cela pour te rassurer, je te dirai que tu n’as rien à craindre aujourd’hui ; je veux voir, savoir, prendre au milieu des hommes un sang-froid nécessaire, et rompre cette claustration qui m’énerve.

Nous sortîmes. Ce fut lui qui guida la marche, et il prit la grande route, c’est-à-dire la rue principale de Nuoro. Sur son chemin,