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Je fis cesser les questions ; je dépouillai mon paletot pour y placer Nieddu ; un des hommes donna son capotu, et nous le portâmes à quatre, ainsi, comme sur une civière, en nous relayant de temps en temps. Deux hommes étaient partis en avant, selon l’ordre de Raimonda, pour chercher un médecin. Les femmes autour de nous éclataient en gémissements.

— Oh ! quel malheur ! disaient-elles. Un si beau cantore ! (chanteur). Povero Nieddu !

Raimonda marchait à côté de son amant, guidant les mouvements de ceux qui le portaient. J’étais surpris de n’entendre aucune imprécation sortir de ses lèvres. Elle était affreusement pâle : je voyais dans la nuit sa figure blanche ; mais elle n’exprimait qu’une pensée : arriver au plus tôt ! Le sauver peut-être.

Heureusement, nous n’étions pas loin de Nuoro, et la maison de Nieddu était, de ce côté, l’une des premières. Le râle du moribond faiblissait quand nous arrivâmes. Dans l’humble demeure, le médecin attendait, près de la mère gémissante. Il palpa le corps :

— Il y a encore de la vie, dit-il, ne pouvant s’empêcher de frissonner sous le regard fixe de Raimonda.

Elle, dont on n’entendait plus le souffle, respira. Le docteur fit quelques prescriptions, qui me semblèrent insignifiantes. Quand il voulut partir, la pauvre fille, se jetant à ses pieds, le supplia de rester. Il céda ; mais un coup d’œil que nous échangeâmes m’ôta tout espoir.

La chambre étant pleine de monde et ma présence étant inutile, je sortis navré. Le lendemain, à l’aube, un glas sonna. Le cœur serré, nous envoyâmes Angela aux informations. Elle revint en pleurant.

— Il est mort ! nous dit-elle. Pauvre Nieddu !… Pietro de Murgia l’a assassiné !


XXII

Ce dire d’Angela était dans toutes les bouches : Pietro de Murgia l’a assassiné !

Comment le savait-on ? Moi, qui avais été