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— Qui diable peut monter à cette heure ? dit Cabizadu, en s’arrêtant.

— Peut-être est-ce qu’il descend ? dit un jeune homme de notre groupe.

Et l’on se mit à rire. Le bruit avait cessé, nous passâmes.

La nuit était claire, et l’air, refroidi par un vent du nord-ouest, était doux à respirer après cette chaude journée ; il y avait au ciel illumination d’étoiles, et la gaîté de la fête s’épanchait encore dans notre groupe, ici par des rires, là par des chants d’ensemble, que chérissent les Sardes. Tout à coup — nous commencions à descendre la seconde côte — un cri prolongé comme un appel, d’un accent désespéré, monta vers nous. Tous les cœurs se glacèrent et nous nous arrêtâmes subitement.

— Qu’est cela ?

— Qui peut crier ainsi ?

— Diavolo ! Quelqu’un aura été refroidi par là, dit Cabizudu. Allez signor, il fait bon d’être en compagnie ! Allons voir !

Déjà, nous descendions en courant, les jeunes gens et moi. De temps à autre, un nouveau cri, lamentable à rompre les nerfs, nous donnait la distance qui restait encore. Enfin, nous arrivâmes près d’une masse noire, qui gisait à terre, sous la nuit grise, et d’où s’échappait une sorte de râle effrayant, comme celui d’une poitrine qui se déchire. Non moins brisée, une autre voix s’éleva, que j’avais, hélas ! pressentie : celle de Raimonda !

— Je vous en prie ! dit-elle, soulevez-le doucement ; oh ! bien doucement ! et portons-le vite à Nuoro. Qui va devant chercher un médecin ? Oh ! courez vite, mes amis, secourons-le vite ! Il n’est pas mort !

C’était bien lui, Nieddu, qui était étendu là. Et quand je voulus me pencher sur lui, je sentis une humidité chaude, dont la terre était trempée, mouiller mes genoux et s’attacher gluante à mes mains. On pressait Raimonda de questions.

— Vous le voyez bien, dit-elle avec un calme effrayant, il l’a assassiné ! Dépêchons-nous ! on pourra peut-être le sauver encore ! Oh ! n’est-ce pas ? dit-elle en me reconnaissant.