Que disent vos prunelles humides
Ô jeunes filles riantes ?
Et les éclairs de vos yeux,
Ô jeunes hommes de la Gallura ?
Qu’y a-t-il au fond des cordes sonores ?
Dans la voix qui chante, ou pleure ?
Dans le son qui monte, harmonieux ?
Dans les bruts vagues et lointains ?
Ce que disent l’air et les cimes,
La feuille et l’oiseau, le rayon et l’ombre,
Le sol, l’onde et les génies de la terre,
Le feu et l’humidité des regards humains.
Ce que disent les cordes sonores,
Et les bruits harmonieux,
Tout ce qui vibre dans l’air,
Et qui palpite sur la terre.
C’est l’amour, le grand amour !
Lui seul est l’âme du monde ?
Il est le charme des êtres !
Il est la force et la vie !
Que serions-nous sans l’amour ?
Quel breuvage donne plus d’ivresse ?
Quel aliment plus de force ?
Quelle vertu, plus de grandeur ?
L’amour n’est pas seulement,
Le bonheur, il est l’héroïsme !
Il nous fait doubles, et nous donne
Toutes les délices de la terre,
Avec toutes les poésies du ciel !
Pour cette dernière strophe, plus longue que les autres, Nieddu avait changé l’air, en le prolongeant, avec une maestria de musicien, en même temps que d’artiste, bien qu’il ne sût pas une note de musique. Tandis que les applaudissements éclataient autour de lui, encore tout vibrant, il restait penché sur son instrument, où les dernières ondulations s’éteignaient dans le bois sonore. Le visage de Raimonda resplendissait d’amour et d’orgueil. Tout à coup Nieddu releva la tête et passa de nouveau les doigts sur la guitare. Ses yeux étaient chargés de rêverie et l’expression de son visage mélancolique plus que jamais. Il changea de ton, par quelques accords plus graves tout à coup, et d’un accent doux et saisissant à la fois, il ajouta :
Amour, vie pleine et suprême !
Que deviens-tu dans la mort ?
La dent des vers du tombeau
Te ronge-t-elle aussi dans le sépulcre ?