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FEUILLETON DU SIÈCLE. — 20 JUIN 1878.

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GRAZIA

RÉCIT D’UN VOYAGEUR
RECUEILLI PAR
ANDRÉ LÉO

DEUXIÈME PARTIE.

XXI. — (Suite.)

Au milieu de la foule sympathique et joyeuse qui entourait Nieddu, son cœur aussi battait du même rhythme humain et joyeux. Et en face de lui, au premier rang, se tenait Raimonda, qui fière et à ce moment heureuse, le contemplait, oubliant ses craintes dans l’orgueil de son amour. Il sourit et respira largement. Ses yeux doux et inspirés s’agrandirent, et il se mit à chanter sur un air simple et monotone, que sa voix variait par la seule puissance de l’accent, les vers suivants, en les accompagnant sur la guitare d’accords simples, mais vibrants.

Que nous apporte l’air qui souffle
Du côté de la grande mer ?
Et qui vient se perdre dans les rameaux
Avec un bruit doux et une douce haleine ?

Que dit là-haut la cime,
Nue sous le ciel bleu,
Où vient le mouflon sauvage
Contempler d’en haut les hommes ?

Que dit la montagne couronnée de chênes,
Où se parlent la feuille, le vent et l’oiseau ?
Où le rayon amoureux dit à l’ombre :
Danse avec moi et baisons-nous ?

Que dit le sol mystérieux
Où travaillent les génies créateurs
Où la vie naît des embrassements
De l’eau féconde et de la féconde poussière ?