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surpris sur moi son regard oblique. Le repas, commencé à plus de deux heures, n’était pas fini à quatre. N’y tenant plus, je me levai et m’allai promener dans l’enceinte, où l’on dansait, entre bourgeois, des contre-danses françaises et des polkas, au son d’un accordéon, tenu par un carabinier. À côté, se préparaient les danses paysannes, et une foule de jeunes filles et de jeunes gens retardataires arrivaient ponr y prendre part. Les riches et flambants costumes de Dorgalli, l’élégant costume de Fonni, ceux d’Oliena, de Mamoiada, d’Orune, de Bitti, etc., se croisaient et papillottaient sous mes yeux, avec mille flammes des yeux, et mille rayonnements des sourires de tout ce peuple venu là pour se faire en commun de la joie.

Dans un groupe, un peu à l’écart, les préludes d’une guitare se firent entendre. On allait chanter, peut-être improviser. En entendant ceux qui se dirigeaient de ce côté répéter le nom de Fedele Nieddu, je les suivis. En effet, c’était Nieddu qui se préparait à improviser, sur la demande que beaucoup lui avaient faite. Jamais je ne l’avais vu si poétique : son visage était éclairé de cette lumière idéale que nous comparons à la lumière visible, mais qui pare et fait reluire autrement le front humain. Il semblait tout vibrant aux harmonies qui l’enveloppaient, sur cette cime de montagne inondée de soleil et d’ombre, dont les feuillages frémissaient au vent de la mer, et qui dominait le vaste ensemble de montagnes, de monts, de vallées, de bourgs, de forêts, qui était la Gallura, sa bien aimée patrie.

André Léo.

(La fin à demain.)