Page:Leo - Grazia.djvu/457

Cette page n’a pas encore été corrigée

de Murgia, n’aura pas un troisième époux ! elle, qui se laisse donner par son père, avec la même facilité qu’une truie se laisse vendre par son maître ?

Sous cette injure sanglante, des pleurs jaillirent des yeux de Grazia ; mais elle ne resta point silencieuse. En vain, j’essayais de les apaiser, de les éloigner, ni l’une ni l’autre ne pouvait se résoudre à lâcher pied qu’après avoir atterré son ennemie.

— N’est-il pas plus honorable, dit Grazia, de se laisser donner par son père que de se donner soi-même au premier galant qui vient s’amuser de vous ?

— Tu mens ! cria Raimonda, tu mens ! Je ne suis pas comme toi ; un seul homme m’a touchée. Ce n’est pas moi qui feins de pleurer un époux que je n’aimais pas. Et je ne serais pas si Ache et si niaise que d’abandonner celui que j’aime, pour mettre ma main dans celle d’un homme, qui, pour une bonne part, fut l’assassin de celui qu’on prétend venger.

— Que voulez-vous dire ? demandai-je à Raimonda.

Et Grazia elle-même se tut, attendant la réponse que Raimonda allait faire.

— C’est à vous que je veux parler, à vous seul, dit celle-ci d’un ton impérieux. — Cependant, ajouta-t-elle, en se radoucissant tout à coup et en désignant Grazia, elle devrait s’estimer heureuse de savoir cela, si elle avait assez de sang dans les veines pour avoir une volonté.

Grazia allait répondre ; mais je l’entraînai à quelques pas.

— La haine vous égare, lui dis-je. Ou retournez de suite près des vôtres, comme vous le vouliez tout à l’heure, si véritablement votre absence est un danger pour vous, ou écoutez ce que cette fille veut me dire, et qui, je le pressens, est une nouvelle accusation contre le Murgia.

— Hélas ! me dit-elle, moi je n’en al pas