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que l’on m’a faite si cruelle. Ne doutez pas de moi ; j’aurais craint la mort autrefois ; mais, à présent, son idée seule me console et me rassure. Elle me paraît douce à force de souffrances.

Mon amie, lui dis-je, ma pauvre Grazia, au nom d’Effisio, laissez-moi vous supplier de consacrer toute votre énergie à vous donner à lui, et non pas à lui causer le plus grand chagrin qu’il puisse ressentir. Si vous vous donnez la mort, il se la donnera aussi, j’en suis certain. Ne serait-il, pas cent fois plus raisonnable de vivre ensemble, loin, d’ici, heureux par l’amour.

— Heureux ! dit-elle. En laissant derrière moi les miens en proie à la désolation et au déshonneur ! Non, je ne pourrais être heureuse ! Et mes larmes feraient le désespoir d’Effisio. Je vous le laisse, notre ami ; efforcez-vous de le consoler. Il m’oubliera peut- être. Moi, j’étais née pour le malheur !…

— Mais, ma pauvre enfant, m’écriai-je, réagissant enfin contre sa terreur, — si vraie, si profonde, que moi-même elle m’avait influencé d’abord, — mais votre seul, votre vrai malheur, est de vous abandonner vous-même ; car, enfin, que peut votre père ? que peut de Murgia contre vos refus constants ? On ne vous trainera pas de force, à la mairie, à l’autel ? Votre père oserait-il encore vous frapper ? j’en doute. Mais alors même, il ne pourrait aller bien loin dans ces violences. Une volonté ferme en impose toujours. Vous êtes libre ; vous pouvez sortir de sa maison…

— Il me tuerait, dit-elle en secouant la tête. Nous ne sommes pas dans votre France. Et moi-même, depuis l’enfance, je suis accoutumée à obéir, et tout ce qu’ils croient je l’ai cru, je le crois encore. Souvent, quand je pense aux choses que vous m’avez dites, je sens que vous avez raison. Là, tout à l’heure encore, à l’église, je me disais : — Non, si la Vierge était bonne, si elle était vraiment ce qu’on dit, elle ne me laisserait pas sans secours ; ce qu’on veut de moi est une injus-