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Tolugheddu, père et mère d’Antioco, et deux jeunes filles, amies de Grazia et d’Effisedda. Pietro était le seul étranger admis à partager la chambrée ; aussi une telle marque d’intimité prenait-elle, à tous les yeux, le caractère de fiançailles, et c’était, comme Cesare Siotto me l’avait fait voir, la nouvelle et le commérage de la neuvaine, où la vie sociale, pour être placée de plus près sous le patronage d’une des cent madonne de la montagne, ne différait que par un peu plus de désordre et d’oisiveté.

Je vis Grazia, mais nous ne pâmes échanger que des paroles officielles et quelques regards d’intelligence. Ils m’apprirent ce que toute sa contenance disait éloquemment : c’est qu’elle était de plus en plus brisée et désespérée. Ses joues avaient pris des tons de cire, ses yeux étaient éteints. Je vis peser sur elle, comme sur son père, le regard doucereusement dur de Pietro de Murgia. Moi-même, ce regard me suivait sans cesse, et je me demandais si de toute la journée il me serait possible de parler à Grazia.

On préparait déjà le repas qui devait être offert à midi aux invités de la famille de Ribas et à ceux de Pietro. Car lui aussi, prenant tout à fait le rôle de gendre, invitait. Preddu Floris et quelques autres allaient et venaient autour de lui, plumant effrontément des perdrix tuées en contrebande, et aidant à dresser la table sous un grand chêne, à quelque distance de là. J’éprouvai bientôt le besoin de me retirer de ce brouhaha et me mis à chercher un peu de solitude. En suivant la crête de la montagne, j’obtins çà et là quelques belles échappées de vue sur les montagnes ou la mer ; il était maintenant près de dix heures, et, bien que tempéré par l’air vif de la hauteur, la chaleur était forte. Je voulus m’étendre à l’ombre et me dirigeai vers un point où les chênes, plus rapprochés, formaient une oasis de fraicheur. Mais en approchant, je vis la place prise, et de telle façon, qu’il eût été indiscret de disputer à ces occupants la solitude qu’ils étaient venus chercher.