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— Si, je les porterai moi-même ; tu peux le lui dire.

J’étais en route aux premiers rayons du soleil levant. Ainsi que me l’avait dit Angela, le chemin était, comme celui d’une fourmilière, tracé par le grand nombre de gens qui montaient des outres de vin, des comestibles, la plupart dans des charrettes à bœufs, ce qui, vu l’état du chemin, est chose inimaginable. Ces braves ruminants, dont on respecte ailleurs la pesanteur, et qui, chez nous, ne sont guère employés qu’aux labours et dans la plaine, sont charges en Sardaigne de tous les transports ; on en a fait, bon gré mal gré, des mules de montagne, les chevaux étant exclusivement réservés pour la selle. Le chemin de l’Ortobene, à l’inclinaison ordinaire des chemins de montagne, joint l’absence complète de main-d’œuvre, — qui d’ailleurs lui est commune avec toutes les voies de viabilité rurale, — si bien que les roues ont à franchir des roches qui saillent à l’aventure, et que les pauvres bouis doivent grimper en tirant leur charge, ou la descendre sur la croupe, la tête en bas. Tout arrive sain et sauf, on ne sait comment, sauf toutefois les malheureuses bêtes, maigres et flétries à faire pitié.

L’Ortobene, qui de Nuoro semble un éventail, se creuse et s’étend au-dessus de la première cime, et c’est sur la seconde, plus élevée, que se trouve le sanctuaire, objet de la neuvaine. Une fontaine est sur le chemin à peu de distance du sommet, et j’y rencontrai des filles norésiennes qui venaient d’en haut chercher de l’eau pour les besoins des fluèles. Ce chemin était bordé de touffes d’yeuse et de tentisque, et çà et là de rochers énormes. Toute la montagne est couverte de chênes-yeuses assez beaux et assez serrés, et rafraîchie par le vent de la mer, dont on aperçoit de la cime, au loin, la ligne bleue.

Ce jour là, autour de la petite église dédiée à la vierge, se trouvait réunie toute une population, parmi laquelle je reconnus la fleur de la bourgeoisie de Nuoro. Le plus pittores-