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Murgia et redevenait songeur. Je parvins à en rouvrir le propos ; car, avant qu’il retombât sous l’influence de Murgia, je désirais autant que possible accroître sa défiance, et bien imprimer les faits dans sa mémoire. La répétition est le procédé oratoire le plus puissant auprès de certaines natures, — les plus nombreuses.

Don Antonio me laissa dire ce que je voulus sur le fait de la grassazione, et je crus voir qu’il était lui-même à peu près persuadé sur ce point. J’en étais pénétré de joie, quand il me dit :

— Ce qui me fait le plus de peine, c’est que vous croyiez ce pauvre garçon capable d’avoir tramé la mort d’Antioco. Il aimait Grazia, sans doute ; mais il est généreux et loyal avant tout, et sur ce point votre haine pour lui vous a égaré.

Nous étions déjà dans Nuoro. Il me quitta sur ce propos, qui me rendit stupéfait.

Que pensait-il en fin de compte ? Je ne pouvais l’imaginer. Un moment, il m’avait semblé convaincu de la culpabilité de Margia, comme grassatore ; et maintenant il le déclarait loyal et généreux !

Je rapportai à Effisio toute notre conversation, et crus pouvoir l’inviter à l’espérance. Il se contenta de m’embrasser, en m’exprimant sa reconnaissance des efforts que je faisais pour lui.

— Quoi ! m’écriai-je, pourrais-tu t’obstiner à croire que la situation n’ait pas changé ? Il n’est pas de père, — de Ribas aime ses enfants à sa manière ; mais enfin il les aime, — il n’est pas de père qui ne voulût en pareil cas approfondir un doute si grave. Il y aura tout au moins un délai, pendant lequel tu pourras décider Grazia, qui me parait bien ébranlée. Enfin, il me paraît difficile que Pietro de Murgia parvienne à se justifier assez, pour que don Antonio persiste à le faire son gendre, malgré sa fille. Pour moi, j’espère donc beaucoup.

— Pendant ton absence, me dit Effisio, je suis allé chez le notaire Branca pour une