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— Vous pouvez me nommer, dis-je avec fierté.

— Non pas ! non pas ! Vous avez été mon hôte, et je n’entends pas qu’il vous arrive malheur en ce pays. Non ! Pietro ne doit pas savoir que vous l’avez accusé et je vous prie de ne pas prononcer son nom devant Cao.

Nous ne dimes plus un mot jusqu’au Nur-Hag ; mais je l’observais et le voyais fort sombre. Était-ce le doute qui le gagnait, ou simplement l’impression pénible que lui causait mon accusation ? J’aurais bien voulu le savoir ; mais je n’osais troubler le travail qui se faisait dans sa tête. Il était certainement très peiné, et bien que l’air fût vif et le soleil encore peu haut sur l’horizon, je voyais son front couvert de sueur.

L’entrevue avec Cao fut très-froide au premier abord. Don Antonio adressa à son parent des reproches, que celui-ci reçut légèrement

— Que diable voulez-vous qu’on fasse ? Le commerce va que c’est pitié ! Il n’y a pas de quoi manger du pain. Voulez-vous que je laisse mes enfants souffrir de la faim, quand il y a des gens comme ce vicario de X… qui s’empiffrent à gogo ? Et des diligences chargées d’or pour les banquiers et les juges ? Le gouvernement nous prend tout ce qu’il peut ; il nous tond jusqu’à la peau. Quel mal y a-t-il à se faire de temps en temps une petite restitution ? Ça ne parait guère dans ses coffres et ça nous fait grand bien à nous autres ! Allons donc ! cousin, parce que vous avez, vous, beaucoup de terres qui vous donnent plus que le nécessaire, il ne faut pas être hargneux pour les petites gens. D’ailleurs, je n’ai pas envie de recommencer, puisque la chance a si mal tourné pour moi ; et, si c’est cela qu’il vous faut, soyez tranquille !

Je n’aurais été nullement tranquille à la place de don Antonio, vu l’expression louche de la figure du mercier. Tandis qu’il parlait ainsi, d’un air doucereux, son œil au fond, rutilait de haine et de colère.