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très sérieusement. Laissons donc cela, et gardez votre aveuglement, puisqu’il vous est cher.

Santo caszo ! s’écria-t-il en colère, proférant le jurement local particulier à ces montagnes, et qui signifie littéralement : Saint fromage ! — L’homme jure toujours par ce qu’il a de plus cher et de plus sacré.

Mais don Antonio se ravisa, et voyant fort bien qu’il n’obtiendrait rien de moi avec des brutalités, il me tendit la main, au bout d’un instant :

— Vous avez raison ! me dit-il, eh bien, parlez-moi en ami ; je vous écoute.

C’était tout ce qu’il pouvait dire ; car je ne crois pas qu’un Sarde condescende jamais à faire des excuses plus explicites ; aussi m’en contentai-je, ayant au moins autant le désir de parler qu’il avait celui de m’entendre. Là, tous deux arrêtés dans le sentier, à une distance du Nur-Hag assez grande pour que notre voix même n’y pût arriver, je lui exposai les observations que j’avais faites sur Pietro de Murgia, en ayant soin de commencer par les preuves ; à savoir la boite dérobée dans le Nur-Hag, que je lui montrai et qu’il reconnut comme moi, et le cordon bleu de caoutchouc, trouvé sur le lieu de la bataille devant le presbytère, et déposé entre les mains du juge d’instruction.

D’abord, il haussa les épaules, s’écria que rien de tout cela n’était suffisant. Pietro de Murgia assistait Cao dans sa réclusion ; il était allé dans le Nur-Hag ?… cela ne prouvait pas qu’il fat grassatore ; nous y allions bien aussi, nous ! Et quant au cordon, rien ne prouvait non plus que ce fut le sien.

J’en convins et je pris alors l’histoire par le commencement : l’entrée de Pietro de Murgia à deux heures du matin, après l’attaque de la diligence, lui pieds nus et les pieds de son cheval enveloppés de paille et de linge, pour ne produire aucun bruit ; ses dénégations hautaines et maladroites, qui avaient éveillé mon premier soupçon. Sa taille, sa voix, sa démarche, qui m’avaient en quelque