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mélancoliques et champêtres, qui rappellent assez ceux de la musette. Cela me parut primitif à la plus haute puissance, et, tout en pensant vaguement à la flûte des satyres, je demandai à Effisio si ce n’était point là celle des bergers de Virgile ?

Il me répondit avec empressement que j’avais raison, que cela était prouvé par les historiens de la Sardaigne :

— La launedda ou lionedda, me dit-il, est l’ancienne tibia de Virgile, celle que faisaient chanter Ménalque et Tircis ; et même La Marmora se demande si les launeddas des Sardes, n’ayant depuis tant de siècles subi que légères modifications, l’air qu’on joue actuellement dans l’ile sur cet instrument, ne serait point encore le même que les musiciens romains tiraient de leurs tibia ?

— Qu’importent les fibia, si ce n’est pour danser ?

Tel était le sens du regard, brillant d’une impatience timide, que Grazia jetait au passage sur Effisio.

Tandis que nous parlions ainsi, les jeunes filles s’étaient réunies en rond dans la cour, dégagée et balayée, et, se tenant par la main, serrées les unes contre les autres, épaules contre épaules, elles piétinaient sur place, ou peu s’en fallait ; car la ronde tournait lentement. C’est au passage que Grazia avait jeté ce regard, sous lequel je vis Effisio rougir.

— Il faut bien que j’aille danser, me dit-il aussitôt ; sans quoi l’on m’accuserait d’être devenu étranger aux choses du pays.

En même temps, il se dirigea vers Grazia ; mais déjà le jeune Olienais, Antioco Toluggheddu, l’avait devancé et, rompant la chaine des jeunes filles, avait pris de la main droite la main de Grazia, qui dès lors était sa danseuse, en même temps qu’il donnait la main gauche à la jeune fille de l’autre côté. L’un après l’autre, tous les garçons imitèrent cet exemple, et le pauvre Effisio ne put même obtenir l’autre main de Grazia ; la place était