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surexcitation nerveuse, où la raison n’est plus maîtresse d’elle-même, où les forces sont prêtes à plier. C’était le surlendemain qu’elle devait accepter Pietro de Murgia. Ses yeux presque égarés s’attachaient furtivement sur Effisio, puis se plongeaient dans un rêve plein d’effarement. Évidemment, elle hésitait encore ; mais elle pensait fortement à le suivre, à abandonner pour lui sa famille et son pays. Moi, qui espérais, qui maintenant même me croyais sûr de la sauver, je lui dis tout bas :

— Espérez, Grazia ; demain, je le crois, votre père lui-même refusera pour gendre Pietro de Murgia.

Elle chancela comme étourdie de joie.

— Est-il possible ? me dit-elle.

Et son regard m’enveloppa d’une douceur céleste. Pauvre Grazia !

Quant à Effisedda, elle tournait autour de moi, enchantée de l’aventure et faisant valoir la part qu’elle y avait prise, parlant de sa résolution de tirer, quand même vingt bandits auraient apparu les uns après les autres par l’ouverture.

— Est-ce que tu aimes les femmes braves ? me dit-elle, en se pendant à mon bras.

— Oui, autant que les femmes discrètes.

— Oh ! sois tranquille ! est-ce que ces choses-là se disent, quand même on n’aurait Pas promis ? Mais sache donc : ce serait l’assassin de mon père… je le tuerais peut-être, ou bien je le ferais tuer par…

Elle prit un air rêveur en me regardant.

— Mais le dénoncer, jamais !

IL était grand temps pour elles de rentrer. Elles reprirent leurs chevaux, que nous chargeâmes des bertole pleines d’herbes, et elles s’assirent dessus, légères et solides, comme des oiseaux sur les branches ; puis elles partirent au galop. Et quelque temps encore, nous vîmes leurs visages tournés vers nous, les longs et tendres regards de Grazia, et le joli sourire, la voix fraîche et les gestes animés de sa jeune sœur.

(À suivre.)

André Léo.