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— Je me suis cassé la jambe en sautant du balcon d’une… dame. Vous comprenez ? Et, pour que ma femme n’en sache rien, je lui fais croire que je suis en voyage. Voilà !… Millioni di diavoli ! pourquoi êtes-vous venus me déranger ?

— Il me semble, Cao, dit Effisio d’un ton sévère, que c’est vous qui êtes venu vous mêler de mes affaires, de la façon la plus inconvenante, et en causant une frayeur dangereuse à la personne qui m’accompagnait. C’est à moi de vous demander raison de votre conduite, et je trouve étrange…

— Vous, don Effisio, vous osez me faire des reproches, quand vous travaillez à déshonorer une famille honnête ! Grazia est ma cousine par sa mère, et je ne souffrirai jamais que vous lui fassiez oublier l’honneur ! J’ai voulu lui inspirer de la terreur, afin de la rappeler à ses devoirs. C’est vrai que j’ai fait une sottise ; je m’imaginais tout bonnement que vous alliez croire à une voix de l’autre monde et vous sauver sans en demander davantage. Pourtant, j’ai bien imité la voix d’Antioco… Mais, après tout, je ne suis pas inquiet à cause de vous. Vous êtes un bon Sarde. Seulement, il faut me garantir le silence de votre ami.

Il parlait d’un air d’autorité, qui eût mérité cinquante soufflets. Ce n’était plus le petit marchand, poli, bavard, aimable, qui, bon gré, mal gré, vous faisait acheter les détestables denrées de sa boutique ; mais une sorte de bandit aux regards haineux et louches, qui semblait partagé entre deux sentiments : la ruse et la colère. Il faut dire aussi que son long séjour dans cette sorte de cachot et les souffrances de sa blessure l’avaient fort amaigri et défiguré. Indécis, inquiet, Effisio se taisait, cherchant le dessous des mensonges que nous débitait Cao. Pour moi, j’avais trouvé. Aux dernières paroles du mercier, je m’approchai, car j’étais resté jusque-là dans l’ombre, inspectant du regard le lieu et les objets.

— Signor Cao, lui dis-je, pour un homme marié qui saute par les balcons, vous êtes, il