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tieuse au point de vous affecter d’un tel hasard ? lui dis-je.

— Eh ! que sait-on ? me répondit-elle, plus profondément qu’elle ne pensait dire.

Les gages furent épuisés sans que le mien se trouvât au fond de la corbeille.

C’était une malice, ou plutôt une attention de Grazia, qui s’en était saisie, de peur sans doute que la mauvaise chance tombât sur moi ; l’élevant en l’air, elle pria un des assistants de composer un compliment pour moi.

Le jeune homme qu’elle avait nommé, Nieddu, se leva aussitôt, et sans prendre une minute de réflexion, improvisa quatre vers aimables et bien rhythmés, en langue sarde ; il me remerciait de l’honneur que j’avais fait au village, en venant le visiter, et me souhaitait de longues prospérités. Ces vers me furent traduits sur-le-champ par Effisio, et j’allai remercier Nieddu.

Je ne pus m’empêcher ensuite d’exprimer à Effisio mon étonnement de trouver un poëte parmi ces villageois.

— Oh ! vous en verrez bien d’autres, me dit-il ; poëtes, nous le sommes un peu tous, excepté moi, qui ai tant vu de prose au dehors.

— Quoi ! beaucoup improvisent ainsi ?

— Oui. Ce n’est pas toujours très-beau ; mais il y a la rime, et surtout la mesure ; vous verrez au Graminatorgio.

Le jeu était fini, mais non la fête ; bientôt, arrivèrent d’autres jeunes gens, garçons et filles, précédés d’un sonneur villageois, soufflant dans un instrument que je voyais pour la première fois. C’étaient trois roseaux de différentes longueurs, l’un placé en avant, beaucoup plus court, et tous les trois percés de trous, comme une flûte. Le sonneur réunissait dans sa bouche les trois embouchures, et les joues gonflées, soufflant et bavant, promenait ses doigts sur les roseaux, tout en agitant son corps en cadence ; il produisait ainsi des sons nasillards, mais doux,