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— C’est vrai ; mais il a placé dans le ciel sa Béatrix.

Et elle ajouta :

— Oui, c’est le plus terrible des poëtes ! Mais n’en est-ce pas le plus doux quand il peint les amants de Rimini ?

En disant cela, sa jolie tête se penchait languissamment, et ses beaux yeux jetaient dans l’espace un regard vague. Je la regardais : avec son costume pittoresque, sa basquine rouge, sa chemisette plissée autour d’une gorge naissante, le fichu qui formait sa coiffure, et dont elle relevait sans cesse avec grâce les bouts tombants ; et ses pieds nus, lavés avec soin, et encore humides de rosée, et je me disais que celle petite paysanne du pays le plus arriéré de l’Europe, ferait en un clin-d’œil une femme du monde charmante… quand nous entendîmes une intonation étrange, suivie d’un cri terrible, poussé par Grazia. Aussitôt, nous fûmes sur nos pieds, Effisedda et moi, et nous courûmes vers nos amis. Grazia, debout sur le sentier de la plate-forme, était dans un état excessif de trouble et de terreur, tremblante, suffoquée, livide, et les yeux presqu’égarés. Effisio, fort troublé lui-même, quoique d’une façon différente, l’entourait de ses bras, en lui adressant des paroles rassurantes et fout en promenant des regards irrités autour de lui.

— Qu’y a-t-il ? cria Effisedda en se jetant sur sa sœur.

— Qu’est-il arrivé ? demandai-je.

— Il y a ici quelque infâme embûche ! me répondit Effisio. Nous… causions… quand une voix à, la fois menaçante et lamentable, a crié :

— Grazia ! Grazia ! Malheur à toi si tu trahis ton devoir !

— Et d’où partait cette voix ?

— De la terre ! murmura Grazia, dont les dents se choquaient. C’est lui !… Ce ne peut être que lui.

Ses jambes fléchissaient. Nous la fîmes asseoir sur une pierre, et sa jeune sœur, en l’embrassant, s’efforçait de la calmer.