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des branches misérables et gémissantes, et où le lentisque même était rare. Effisio s’assit et je l’imitai. Las de chercher des sujets de conversation, qu’il laissait tomber aussitôt, je gardai moi-même le silence, et nous restâmes longtemps ainsi, côte à côte, sans échanger une parole, les yeux fixés sur le paysage, mais absorbés chacun dans nos pensées.

La mienne revenait obstinément à ce problème : convaincre don Antonio que son futur gendre était un bandit. Tous les faits, les uns après les autres, défilèrent de nouveau dans ma tête. Je refis le colloque du matin avec la mercière, puis avec Angela, et tout à coup cette date du 3 juin, que j’avais à peine remarquée, saillit dans mon esprit… Le 3 juin !… Mais c’était dans la nuit du 2 au 3 juin qu’avait eu lieu l’attaque du presbytère de X !… Étrange coïncidence !… Et alors le cadavre défiguré, trouvé au matin, vint se placer sous mes yeux… Allons donc 1… Ce brave mercier, ce bon vivant !… Je devenais fou ! C’était absurde ! Voilà les déviations que produit une idée fixe.

Je l’écartais ; elle s’obstinait à revenir. Et toujours ces deux choses se plaçaient en face l’une de l’autre dans mon esprit : la date du 3 juin et la disparition mystérieuse du commerçant. Impatienté, je me haussai les épaules à moi-même. En admettant le soupçon anormal, dont je ne sais quelle partie dévoyée de mon intellect frappait ce digne boutiquier, ce bourgeois paisible, s’il était mort, 33 femme ne pouvait apparemment espérer de faire admettre qu’il fut toujours en voyage ! Et je me pris en pitié, me disant que ce n’était pas ma pauvre imagination qui pouvait tenter de débrouiller une intrigue et d’aboutir à une découverte. Elle était trop bête pour cela ! J’en étais là, quand un son étrange frappa mon oreille : c’était un gémissement, qui semblait partir d’en bas, derrière nous. En même temps que moi, Effisio avait tressailli ; car nous nous croyions les souls ôtres