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plongeait la main dans la corbeille et en retirait le porte-cigare d’Effisio.

Des bravos éclatèrent.

— Pourquoi cela ? demandai-je à mon ami.

— On me félicite du bon augure que je viens de recevoir ; maintenant, pour celui qui va suivre, ce sera tout le contraire.

Grazia chantait de nouveau :

Prends garde au scorpion
Qui hante les murs sombres,
À l’infidèle amant,
Aux paroles trompeuses.

L’enfant éleva à sa main un nouvel objet et un cri se fit entendre, poussé par une jeune fille qui, un moment auparavant, était venue embrasser Grazia, et que celle-ci avait saluée du nom de Raimonda.

— C’est à toi ! dit la fillette, en jetant l’étui sur les genoux de Raimonda.

Mais celle-ci cachait son visage dans ses mains, comme saisie de tristesse et de crainte.

C’était une fille au visage bruni, aux traits accentués, un peu forts, mais non sans beauté. J’avais déjà remarqué cette figure, qui avait quelque chose de romain. On la plaisanta, mais elle resta sombre, et je vis ses regards chercher ceux d’Antioco Tolugheddu, qui lui répondit la première fois par un signé d’intelligence, puis ne s’en occupa plus. Il regardait Grazia. Celle-ci passa bientôt la chanson à un autre, et le jeu continua ainsi, par des strophes alternativement favorables et défavorables, que le sort attribuait à tel ou tel. Antioco Tolugheddu eut la bonne chance : il reçut l’augure de succès d’amour et de noces pompeuses ; quant à Grazia, cette strophe lui fut appliquée :

Le lierre est pour les nids
Comme pour les tombes ;
L’amour donne la vie
Comme il donne la mort.

Ces paroles prononcées, en voyant retirer le dé d’or qu’elle avait déposé dans la corbeille, Grazia devint toute attristée.

— Est-il possible que vous soyez supersti-