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aussi léger a-t-il conduit à la découverte d’une vérité cachée ? Je ne voulais pas désespérer ; je voulais, avec amour et colère, le salut de mes amis, et ne cessais d’y rêver. Après tout, ce n’était pas tant la justice qu’il nous importait d’éclairer que l’esprit d’Antonio de Ribas, et celui-ci pouvait se contenter de preuves morales. Toutefois, la difficulté n’était pas moindre. Si la magistrature exige — il n’y avait rien de politique dans cette affaire-là — des preuves matérielles, en revanche elle a les oreilles largement ouvertes à tout soupçon. L’esprit de don Antonio, au contraire, s’y fermait obstinément, et l’éclairer devait être un rude travail.

Mais le doute est l’ennemi de toute action. Je ne voulais pas douter ; je m’acharnais à garder l’espérance, et je me mis à l’œuvre, avec l’entêtement d’un homme qui, à défaut d’autres agents, compte sur le hasard.

Plusieurs fois, j’avais vu de Murgia entrer et sortir de la boutique d’un petit marchand mercier, qui était proche de la maison d’Effisio, et où nous allions nous-mêmes prendre nos cigares et nos allumettes. J’y allai demander un cordon de caoutchouc. Il n’y avait là que la femme, et j’en fus contrarié ; car elle était d’humeur peu ouverte, au contraire du mari, homme empressé, poli, tout rond, comme on dit, un peu vif et susceptible peut-être — je m’en étais aperçu un jour que j’avais osé mettre en doute la bonne qualité de sa marchandise — mais aimant à causer et ne se faisant faute de répondre aux questions qu’on lui adressait. Déjà plusieurs fois, j’étais entré dans la boutique sans le. voir. Aussi me crus-je en droit de demander s’il était malade. — Bons dieux !… J’aurais demandé s’il avait été pendu que ma question n’aurait pas été plus mal reçue !

— Malade ! répondit-elle aigrement. Et pourquoi serait-il malade ? Vous avez besoin de lui ?

— Je désirais seulement, répondis-je, avoir de ses nouvelles, ne l’ayant pas vu depuis longtemps.