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mon envie sur ce point dépassait de beaucoup mon pouvoir. J’étais convaincu, pour moi, que Pietro de Murgia était un brigand nocturne, un grassatore ; de nombreux indices étaient venus successivement, sans contradiction aucune, me confirmer le fait ; j’avais reconnu dans le chef des assaillants du presbytère la taille, la tournure, la voix de Pietro. Malheureusement, je n’avais pas vu ses traits, cachés par le masque, et l’on pouvait douter de la netteté de mes affirmations. Peut-être en aurais-je douté moi-même s’il se fût agi d’un être indifférent. Mais ici la passion m’emportait, et j’avais par moments l’envie de tout risquer, d’aller hautement, ouvertement, dénoncer à la justice Pietro de Murgia, comme ayant été l’un des assaillants de la diligence, à Silanus, l’année précédente, et le chef de l’attaque du presbytère de X. À cela, je risquais la vie, je le savais ; et pourtant je l’eusse fait de bon cœur, si j’avais pu croire au succès de cette démarche.

Mais où étaient mes preuves ? J’avais vu de Murgia rentrer avant l’aube, après l’attaque de la diligence, en prenant toutes précautions pour n’être ni vu ni entendu. Il pouvait, d’ailleurs, comme il avait voulu me le faire croire, revenir d’un rendez-vous. J’avais reconnu à X… sa taille et sa voix. Mais ce sont là des appréciations fugitives, arbitraires, qui peuvent tromper. Et enfin, J’étais seul pour affirmer cela. En tout autre pays, le grelot une fois attaché, tout suit, et les témoignages arrivent à la file. En Sardaigne, je serais resté seul. Ils ne manquaient pas, ceux qui avaient de Murgia la même opinion que moi ; mais aucun n’ouvrirait la bouche, à moins que ce ne fût pour protester en faveur de sa loyauté. Je resterais seul dans le rôle odieux et ridicule d’accusateur sans preuves ; toutes celles que j’avais se bornant à ce petit cordon bleu, qui n’en pouvait être une qu’appuyée de beaucoup d’autres.

Et pourtant, combien de fois un indice