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— C’est un accident ! cria Effisio, se relevant à son tour. En pareil cas, on a le courage de tuer son adversaire, ou l’on recommence.

— Jamais ! m’écriai-je. Vous êtes blessés tous deux, je ne le permettrai pas.

Sous la pointe de la dague de Murgia, un peu de sang avait jailli ; mais ce n’était qu’une égratignure. Effisio m’en convainquit, et voulut reprendre le combat malgré mon opposition. Preddu, volontiers, y aurait consenti ; ce jeu l’amusait. Mais Pietro s’y refusa formellement.

— Don Effisio, je connais mal, je l’avoue, les usages du duel ; mais nous sommes Sardes tous deux, et vous me comprendrez, quand je vous dirai que vous me devez la vie. J’ai pu vous enfoncer ma dague dans la gorge, et je ne l’ai pas fait.

— Pensez-vous me faire croire à votre générosité, répliqua Effisio, plein de colère. Vous avez agi par un motif personnel ! lequel ? peu m’importe ; mais j’en suis sûr !

Pietro sourit :

— Peut-être ! Mais moi aussi je vous connais, et je sais que maintenant, quand même il vous prendrait envie de m’envoyer une balle, ce qui vous serait plus facile que de l’envoyer à Nieddu, vous ne le feriez pas. Et puis, vous avez raison : Grazia ne me l’eût jamais pardonné, tandis que, son époux vengé, elle sera ma femme et deviendra pour moi, comme elle l’a été pour Antioco, une épouse bonne et fidèle. Addio, signori !

Il rajusta son bonnet, tombé dans la lutte, et partit, en nous jetant un sourire sarcastique, auquel son compagnon crut devoir joindre une grimace d’adieu.


XIX

Il restait un espoir, celui de détruire moralement le Murgia. Et c’était l’ouvre que je caressais et roulais dans mon esprit depuis plusieurs jours ; sans me dissimuler que