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Il ne put achever et je ne pus lui répondre. Derrière le tournant de la route, nous entendions les pas de l’ennemi ; il parut. Et, soit qu’ils nous eussent aperçus déjà, soit qu’ils dissimulassent leur surprise, ils continuèrent d’avancer, d’un air indifférent. Ils avaient l’un et l’autre le carnier sur le dos, bien que la chasse fût prohibée, et, selon son habitude, outre son fusil, Pietro de Murgia portait sa dague à la ceinture. Pendant qu’ils montaient vers nous, je dis rapidement en français à Effisio :

— Quel est ce Preddu Floris ?

— Un familier de Murgia, me répondit-il, homme assez mal famé…

Il semblait vouloir ajouter une explication ; mais, voyant de Murgia à peu de distance, il jeta la bride sur le cou de son cheval et se porta au milieu de la route : Pietro de Murgia, je vous ai vu venir et je vous attendais.

Pietro sourit, s’arrêta, et, se campant sur la hanche, la jambe en avant, pose de capitan et sourire de condottiere :

— Ceci est aimable à vous, don Effisio ; auriez-vous quelque chose à me dire ?

— Assurément, je n’ai pas besoin de vous apprendre quels sont mes sentiments pour vous, ni le motif de ma haine ? Vous les savez. Je suis venu vous proposer un combat d’honneur, un combat de gentilshommes, dont mon ami et… le vôtre (il montra Preddu Floris) seront les témoins. Vous n’êtes pas, vous, un paysan obstiné, comme l’était ce pauvre Antioco. Vous connaissez le monde et les usages des gens comme il faut, et vous ne voudriez pas me refuser, sachant bien que tout homme honorable, atteint dans ses affections, ou dans son honneur, a droit à ce genre de réparation.

André Léo.

(À suivre.)