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ajouta-t-il du même ton ; mais après tout, qu’importe ?

Je vis que je ne pouvais que lui irriter les nerfs outre mesure, sans rien obtenir, et dans la crainte d’un malheur, mon cœur se serra violemment. La route où nous étions, dominée d’un côté par la montagne, dominait de l’autre un ravin profond, traversé d’un ruisseau, au delà duquel s’étendaient quelques prairies, et des collines maigrement boisées. À l’endroit où Effisio s’était arrêté, un enfoncement de rochers nous ménageait un espace long de cinq à six mètres, large de trois environ, semé çà et là de pierres éboulées, et au-dessus duquel de vieux chênes. liéges grimpaient à l’assaut du mont. Les merles jasaient dans les branches, et sur la plaine, toute éclairée de soleil, de grands vautours planaient. Il faisait une chaleur étouffante ; mais l’angle où nous étions recevait de la montagne un peu d’ombre. Cependant, je suffoquais. Autre chose que l’air extérieur me brûlait les veines ; des pressentiments funèbres m’oppressaient ; il me semblait que cet étroit espace allait être, le tombeau d’Effisio. Je me défiais affreusement de ce Murgia ; et chacun des sons qui montaient de leurs pas et de leurs voix résonnait en moi, comme s’ils m’eussent marché sur la poitrine. Pendant ce temps, Effisio cherchait dans son portefeuille ; il me remit un papier.

— C’est mon testament, me dit-il.

Machinalement, je l’ouvris ; c’était une donation de ses biens à Grazia de Ribas, à la double condition qu’elle n’épouserait pas Pietro de Murgia, et qu’elle viendrait habiter, seule ou avec sa sœur, la maison d’Effisio, près de la vieille Angela, à laquelle Effisio laissait une rente viagère.

— Son père ne pourra ni ne voudra l’empêcher d’accepter, me dit Effisio. Tu sais comme en ce monde les considérations d’argent priment toutes les autres. Elle sera donc libre et vivra tranquille, jusqu’à ce que… jusqu’à ce qu’elle m’ait assez oublié…