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Et en effet, le surlendemain soir, à neuf heures, je me trouvais sur le pont d’un vapeur, qui, tournant le dos à la ville de marbre, fendait les belles eaux de la mer de Gênes, la proue vers le sud.

Quelque beauté qu’offrent les côtes accidentées le long desquelles nous naviguions, et l’ampleur de la mer bleue ensoleillée, cinq jours de bateau à vapeur, de chambre commune et de trépidation plus ou moins forte, sont longs, même par le temps le plus calme ; or, nous étions en avril, saison des pluies et des coups de vent, où subitement la mer devient noire, se creuse et roule des flots d’encre, surmontés de crêtes blanches rageuses. Nous arrivâmes enfin à Orosei, petite ville ornée de ruines féodales, qui de la mer offre l’aspect le plus pittoresque. De près, je ne vis et ne sentis qu’immondices et fus très heureux de monter dans la diligence qui devait me conduire à Nuoro.

Pendant près de six heures, à l’exception d’un village, Galtelli, tout proche d’Orosei, nous roulâmes sans voir autre chose qu’une plaine mal cultivée, à laquelle succédèrent bientôt des montagnes couvertes de chênes-lièges et de chênes verts, et un plus grand nombre, hélas ! découvertes, mouchetées seulement de touffes de lentisques ou de buissons d’olivastro (l’olivier sauvage). Nous longions fréquemment un cours d’eau nommé il fiume d’Orosei (le fleuve d’Orosei) que l’on me dit abondant en truites ; çà et là, dans les vallées, quelques champs de blé, mais pas un hameau sur tout ce parcours ; de deux en deux lieues, une maison blanche au bord de la route ; ce sont les cantoniere qu’à défaut de villages le gouvernement a fait bâtir pour loger avec leurs familles les hommes chargés de l’entretien de la route. Elles servent aussi de relais.

Au milieu de ce désert, j’entends crier des essieux. Ce sont de petits chars triangulaires trainés par des bœufs de petite taille et chargés de larges sacs pleins de liége. Le costume des conducteurs saisit mon atten-