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Quand je les regardai, Grazia n’avait plus son noir bandeau de veuve ; la tête nue, les épaules couvertes de ses longs cheveux, que la main amoureuse d’Effisio avait dénoués, les yeux attachés sur son amant, elle souriait d’un sourire indéfinissable, où je crus retrouver de la joie des martyrs. Ainsi coiffée, et baignée par la douce lumière de la lune, cette jolie tête était plus douce et plus charmante que jamais. Leur force factice faillit les abandonner à l’adieu.

— Espérons ! leur dis-je. Espérons mes amis ! Ne vous dites point adieu, mais au revoir. L’amour est la première des forces de ce monde. Espérons encore !

Ils ne me crûrent point ; non plus que moi-même je ne croyais à mon propre dire ; mais, l’un pour l’autre, ils cachèrent leur désespérance mortelle et s’embrassèrent convulsivement une dernière fois. Grazia, que j’accompagnai comme à l’ordinaire, fut silencieuse et me répondit seulement : adieu ! quand je lui dis au revoir. — Elle aura vraiment le courage de se tuer, pensai-je, la mort dans le cœur.

Le lendemain matin, levé de bonne heure et me disposant à descendre pour aller trou- ver mon ami, dont j’étais inquiet, je le vis par la fenêtre, qui parlait à Cabizudu. Il fut triste, préoccupé ; mais relativement calme, cette matinée. Vers dix heures, nous étions ensemble dans la salle basse, quand entra précipitamment Cabizudu. Il parut intimidé par ma présence ; mais Effisio, lui ayant fait signe de parler :

Il est allé ce matin, dit-il, avec Preddu Floris, à la chasse, sur la route de Macomer, où il va souvent. Il n’y a pas plus de trois jours encore, m’en revenant de faire de herbe le long de la rivière, je l’ai vu qui descendit de la colline où est le Nur-Hag, vous savez, a deur milles environ d’ici, et il est revenu par la route. Je pense qu’il fera de même aujourd’hui ; en tout cas ; s’il prenait par le plateau, votre Seigneurie le verrait de loin.