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des hommes ! Et laisse-moi t’emporter bien loin d’ici, pour vivre à tes genoux, en te remerciant chaque jour d’un si grand don !… Ah ! si tu voulais !….

— Hélas ! je ne puis, répondit-elle.

— Tu ne peux ! répéta-il, avec un soupir navrant.

En voyant la tête d’Effisio tomber sur sa poitrine, Grazia jeta ses bras autour de lui.

— Mon ami, me demanda-t-elle, combien de temps encore avons-nous ?

— Vingt minutes, lui répondis-je ; car je venais de consulter ma montre à la clarté de la lune.

— Vingt minutes ! répéta-t-elle, vingt minutes de bonheur dans notre enfer ! Eh bien ! je ne veux plus te dire qu’une chose, Effisio, je t’aime !

Leurs lèvres se joignirent et je voulus m’éloigner ; mais, dans sa pudeur craintive, elle me rappela :

— Oh ! restez là, notre ami ! Nous n’avons pas peur de vous. Vous êtes si bon ! vous savez bien que nous nous aimons !

Effisio, se taisant, je m’étendis à leurs pieds, leur tournant le dos, et regardant la lune, qui éclairait un peu trop notre rendez-vous. Et je ne pouvais m’empêcher d’entendre le doux murmure de leurs propos et de leurs caresses. Qui n’eût pas assisté au début de leur entretien, les eût pris pour des amants heureux. D’un commun accord, pas un mot de leur douloureux débat ne fut repris ; ils ne pouvaient l’oublier toutefois, et l’âpre douleur muette donnait plus d’emportement à leurs baisers, plus d’exaltation à leurs paroles d’amour. Étaient-ils vraiment heureux de cette ivresse volée au sort implacable ? Je ne sais. Pour moi, leur honneur me brisait l’âme. Et il me fallait encore le troubler ; car ils se reposaient sur moi de les avertir.

— Déjà !

— Déjà !

Mot de tous les cours en pareil cas. Ô temps, tu n’es qu’un mot !