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— Ah ! Grazia, lui dis-je, parlant pour moi-même plus que pour elle, vous en êtes encore là ?

Elle me répondit simplement :

— Je souffre tant !…

Oui, tout ce que nous avions essayé de lui inculquer de pensées modernes, les quelques bases que je croyais acquises, tout avait cédé à la violence de l’ouragan ; dans cette jeune créature en danger de mort, physique ou morale, et qui voulait ardemment aimer et vivre, rien ne restait plus que ce qui s’était de longue date implanté en elle ; elle n’avait plus le temps de raisonner ; elle se bornait à souffrir, et à crier sa douleur ; et, dans l’effroi du malheur qui fondait sur elle, les superstitions même de son enfance lá ressaisissaient. Je vis bien, que tout était vain. La raison, la philosophie, ne sont point des remèdes qu’on puisse aller prendre dans la pharmacie où ils se trouvent ; elles ne peuvent nous servir dans l’épreuve que lorsque, par une longue assimilation, elles, font partie de nous-mêmes. Pressant les mains de la pauvre femme dans les miennes, je lui dis tout bonnement cette sottise :

Espérons encore !

Et cela, je crois vraiment, lui fit du bien. J’ajoutai plus bas

Ne tourmentez pas Effisio ! Il est le plus malheureux des hommes, car il ne peut vivre sans vous, ni sans le respect de sa conscience. Une pareille lutte est au-dessus de ses forces et je tremble pour lui…

Elle fondit en larmes :

— Ah ! soignez-le bien ! Soutenez-le ! Puissé-je être seule à souffrir !

Effisio, qui avait fait quelques pas dans le sentier, revenait. Voyant Grazia tout en larmes, il se jeta près d’elle à genoux. Oh ! chère ! pauvre chère adorée ! Sans moi, tu aurais été peut-être heureuse ? C’est moi qui te fais tant souffrir ! C’est pour moi que tu pleures ainsi !… Maudis-moi donc ! et rejette-moi ! Tache de ne plus m’aimer ! Ou bien, donne-toi à moi, en oubliant le reste