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qu’elle fût pour elle et pour Effisio, était bien préférable aux résolutions extrêmes. auxquelles elles s’attachait.

Elle m’écoutait silencieusement, sans approbation comme sans révolte ; cependant, je sentais bien que je n’avais plus devant moi la Grazia, des anciens jours, douce et facile à persuader, mais un être ivre de douleur, dans lequel les coups de la destinée avaient remué et surexcité le sang et les passions de sa race. La résistance patiente et passive, qui demande un caractère ferme et du sang-froid, n’était guère dans sa nature, et ne pouvait être comprise par elle en ce moment, où, acculée devant un délai irrémissible et prochain, sûre de ne pouvoir fléchir. les idées et les volontés des siens, elle ne voyait plus d’espoir, si faible qu’il fait, que dans l’empire qu’elle pouvait exercer sur son amant. Je cessai de parler, découragé par son silence même, qui me semblait une preuve, toute nouvelle pour moi, de défiance et d’antipathie. Cependant, je vis que je m’étais trompé, quand, mon silence se prolongeant, elle tourna vers moi son visage, plein d’une sombre préoccupation, mais toujours affectueux. Avait-elle seulement entendu, compris, mes paroles, trop raisonnables, trop hors de ton avec la pensée qui la dévorait ? Non sans doute ; car, voyant que je me taisais, elle reprit la parole à cent lieues de là, en se pressant le front des deux mains :

— Quelles nuits ! Oh ! si vous saviez !… Je le vois toujours ! Depuis trois nuits, chaque fois, il vient… tout sanglant…horrible ! Comme il était !… Et son regard me pénétra jusqu’à la moelle ! Il me montre sa plaie ouverte, il s’approche !… Et je me réveille en criant, Mais la nuit dernière, il m’a parlé. J’ai vu ses lèvres murmurer, et il a dit : Femme coupable !… Moi ! flétrie d’un tel nom !… Hélas ! je l’ai mérité ! Je n’ai point eu souci de venger sa mort. Celui qui était mon époux, je l’ai abandonné à l’horreur du tombeau, sans consolation et sans honneur !