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de deuil, ses sourires en gémissements. Notre aïeule me maudirait d’avoir souillé son nom au bord de sa tombe. Et ma chère petite sœur, Effisedda, si confiante en l’avenir, si belle et si résolue, deviendrait pour tous une fille suspecte, responsable de mes fautes ; et sa jeune vie serait flétrie à l’aurore. Mon frère, devenu homme, périrait à la tâche de venger les insultes faites à notre honneur ! Ai-je done le droit de frapper et de perdre ainsi tous les miens, Effisiol dis-mol ? Et ne vaut-il pas mieux que seule je meure, après avoir rempli le dévoir qui m’est imposé ? Ah ! mais je t’aime, hélas ! et j’aurais tant voulu vivre de ton amour, Effisio !… Je suis jeune, et, je l’avoue, j’aime la vie, la vie, qui m’eût été si douce près de toi !…

Sa voix se brisa dans un sanglot, et je n’entendis plus que des paroles d’amour et de douleur, entrecoupées de baisers et de gémissements. Quelques instants après, Effisio se leva, et l’expression de son visage émergeant de l’ombre me fit passer un frisson dans les veines.

— Oh ! me dit-il, c’est trop ! j’y succomberai !…

Il me demandait secours ! Je m’assis à mon tour près de Grazia, et, lui prenant la main, en invoquant l’affection fraternelle qu’elle m’avait donnée, je m’efforçai encore, bien que sans beaucoup d’espoir, de l’amener à notre cause. Je lui dis que dans le milieu où elle vivait, elle exagérait les arrêts de l’opinion publique, et que, si elle se refusai momentanément à tout mariage, elle serait parfaitement comprise d’un certain nombre de Sardes, ceux qui sous l’influence des idées continentales et des poursuites judiciaires, avaient renoncé à la vendetta ; que devant sa résistance passive, à la fois respectueuse et ferme, sa famille s’apaiserait forcément, et qu’à la longue on lui permettrait de disposer d’elle-même ; j’essayai de lui faire comprendre que le temps dénouait bien des complications, supprimait bien des obstacles, et qu’une telle attente, si pénible