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mandes de trahir un serment, un devoir, sacrés.

— Et ne vois-tu pas, pauvre enfant, que ce que tu veux de moi est chose pareille ? Toi aussi, tu me demandes la seule chose que je ne puisse t’accorder. Tu me pousses à commettre un meurtre ! Moi, je n’ai pas fait de serment ; mais la conscience d’un honnête homme n’en a pas besoin pour se préserver du crime.

— Le crime, c’est ce que fit Nieddu ; et le punir n’est que justice. Va, j’y ai bien songe ! Quoi que vous en disiez, c’est nous qui avons raison. Que la mort soit votée par une douzaine d’hommes, appelés juges, ou par un seul, qui de lui-même se fait justicier, quelle différence ? Il n’y en a qu’une, et elle est toute à l’avantage de l’homme vaillant, qui agit au péril de sa vie, tandis que les autres ne courent aucun risque.

— Tu as raison en ceci, Grazia : mais non contre moi ; car je nie le droit de la société de donner la mort.

— Ah !… Tu ne penses donc en rien comme les autres ? Et tu prétendais au bonheur !… Ah ! malheureux, que ne suis-je sans famille et sans patrie ! Je te suivrais pour panser tes blessures et pour adoucir ton sort ; mais je suis attachée ici par des liens si forts, hélas !… des liens qu’on ne peut rompre lorsqu’on a des entrailles humaines ! Tu les connais, Effisio ; tu as aimé ton père et ta mère. Où aurais-tu pris le courage de briser leur cœur en les fuyant pour toujours ? Et surtout en jetant sur eux la honte, qui va des enfants aux pères, aussi bien que des pères aux enfants ? Si je te suivais, en désertant mon devoir vis-à-vis du malheureux assassiné, toutes les voix du pays s’élèveraient, tu le sais bien, pour crier : — Grazia est une infâme !… Grazia de Ribas !… — Et le sang orgueilleux qui bout dans les veines de mon père lui remonterait au visage et l’étoufferait ! Ma bonne mère, si respectée, n’oserait plus franchir le seuil de sa maison ; ses jours paisibles se changeraient en jours