Page:Leo - Grazia.djvu/387

Cette page n’a pas encore été corrigée

— Merci, Delitala, dit en se levant don Antonio ; il n’en sera ni plus ni moins que si vous aviez parlé devant des sourds ; grâce à vous, mon parent, qui croyait à l’innocence de Nieddu, sait maintenant comme nous ce qu’il a à faire. Venez, Delitala, vous allez manger un morceau, et, à l’occasion, vous pouvez compter sur moi pour un service.

Il emmena le pasteur. Pietro de Murgia prenant alors la parole, fit ressortir les coïncidences : deux nuits avant le meurtre d’Antioco, c’est-à-dire la nuit où les fruits avaient été ravagés, la jument est prise par Nieddu ; prise également la nuit du crime, et ruisselante encore, au matin, de la course enragée qu’elle avait fournie. Tel était donc le secret de cet alibi, dont les juges avaient été dupes. Le témoignage de Salvatore Delitala est fait condamner Nieddu. Mais, heureusement, il avait gardé ce qu’il savait, et le meurtrier retombait aux mains de la famille d’Antioco, à laquelle il appartenait.

— Quant aux scrupules que vous aviez conçus, don Effisio, je pense que maintenant ils n’existent plus, dit en achevant Pietro de Murgia, avec un sourire qui faillit faire perdre patience à mon ami.

— Je le pense aussi, dit don Antonio, rentré depuis un instant, et qui avait écouté avec une approbation complaisante les développements donnés par Murgia. Maintenant, Effisio, plus de faux-fuyants, plus de détours ! Veux-tu, oui ou non, venger l’époux de Grazia et devenir mon gendre, si ma fille te préfère ? Ceci dépend d’elle ; ce qui dépend de moi, c’est de ne pas permettre que Grazia épouse un autre qu’un vaillant et digne Sarde, sachant son devoir. Grazia elle-même ne le voudrait point ; n’est-ce pas, ma fille ? Car tu es une de Ribas, et tu as juré sur le cercueil de ton époux de te consacrer à sa vengeance. Eh bien ! il est temps maintenant de se décider. Parle, Effisio !

Mon ami avait la gorge serrée, le cœur plein d’un trouble affreux. Ses tempes battaient à l’étourdir. Le regard de Grazia, attaché sur lui, l’implorait ; il fallait qu’il parlât ! Et pour dire à cette femme adorée : Je t’abandonne ! Au bonheur : Je ne veux pas de toi f… Sa langue était glacée. Un moment, l’air lui manqua ; sa vue s’obscurcit. Et peut-être, sans la présence de Pietro de Murgia, se serait-il trouvé mal. La haine de son rival lui donna des forces.