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Cela me causait un déplaisir extrême, souvent de l’indignation, quand l’arrogance de la brutalité masculine allait à l’excès, et je n’en étais que plus porté à affirmer ma déférence envers les femmes, qui n’étaient nullement inférieures en réalité, envers Grazia surtout, que de plus en plus je trouvais intelligente et bonne. L’amour aussi la développait, comme une journée de soleil bâte l’éclosion d’une fleur encore en bouton. Son rôle d’interprète vis-à-vis de moi nous créait forcément une intimité dont nul ne s’effarouchait ; la religion de l’hospitalité donnant à l’étranger tous les droits d’un membre de la famille et supposant chez lui une religion réciproque. Ce sentiment était en moi ; je respectais Grazia comme une sœur, et pour cela même avais-je à cœur de venger sa dignité outragée par un commandement brutal et dédaigneux.

Un jour que, rapportant du linge de la fontaine, fatiguée, elle s’était laissée tomber sur un siége, son père lui commanda de me donner un verre qui était presque à portée de ma main, je me levai aussitôt, la priant de ne pas se déranger, et je pris moi-même le verre.

Don Antonio fronça le sourcil.

— J’avais commandé cela à ma fille, dit-il.

J’avais compris ; mais n’en fis point semblant.

— C’était à moi de vous le donner, dit Grazia, venue près de moi.

— Pas du tout, lui répondis-je ; en France, où beaucoup se croient aussi plus forts que les femmes, ils trouvent dans cette idée une raison de les servir. D’autres, qui croient à l’égalité, ne les servent pas, mais auraient honte de les commander.

— Votre ami, me dit-elle, évitant de prononcer devant son père le nom d’Effisio, pense aussi comme cela ?

— Je le crois.

— Oh ! je l’ai vu ! Tous deux, vous êtes bien bons, meilleurs qu’on ne l’est ici.

Je lui serrai la main pour la remercier ; elle