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un vengeur et l’ont trouvé : c’est Pietro de Murgia. Ils le veulent ! et dès lors, comme vous avez accepté Antioco Tolugheddu, bien que m’aimant, disiez-vous, de toute votre âme, de même vous accepterez Pietro de Murgia, pour accomplir leur volonté et votre vœu !

— Jamais ! s’écria-t-elle, en se levant toute droite ; et son front, émergeant de l’ombre, rayonna sous la clarté des étoiles. Jamais plus je n’appartiendrai à un autre homme, si ce n’est à vous, Effisio ! Je vous le jure ! Et maintenant j’ai un serment de plus à tenir ! Que Pietro de Murgia, si vous lui abandonnez ce soin, venge Antioco. Cela fait, Effisio, je me charge, moi, de nous venger. Le jour de ces nouvelles noces, il y aura autre chose qu’an gant sanglant !…

Que voulait-elle dire ? Un suicide évidemment. Pauvre enfant ! Penser qu’entre elle et le bonheur il n’y avait que sa propre volonté ! Je m’efforçai encore de l’en persuader ; mais je sentais mes arguments se heurter contre le roc de cette implacable opinion publique, et de famille, qui l’entourait. Il est certain qu’il est difficile d’être heureux, difficile même de vivre, dans un milieu hostile. Qu’à la majorité de Grazia, ils foulassent aux pieds tous deux ce préjugé, qui les condamnait à donner leur vie en pâture à la mémoire d’un homme, qui avait sans pitié détruit leur bonheur, ils étaient méprisés, perdus, rejetés des leurs, si même ils échappaient à la vengeance paternelle. Je proposai de nouveau l’expatriation, un enlèvement. Et cette fois, Grazia, plus éclairée, moins timide, eût accepté sans doute. Mais son vœu ! Le vœu fait sur le cercueil d’Antioco ! Si Effisio ne voulait pas agir contre sa conscience ; elle ne voulait pas, elle, se parjurer. Non, pas moyen de sortir d’une telle situation ! Il y a des bêtises aussi fortes que des principes ; il suffit qu’elles soient prises pour tels. Tout ceci repris, répété, bien constaté, ils n’avaient plus qu’à se lamenter, à fondre en larmes, en soupirs ; ils n’avaient plus qu’à s’aimer, dans toute l’ardeur de leur déses-