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Grazia l’interrompit, désespérée.

— Il est donc vrai qu’il ne croit à rien ! s’écria-elle en joignant les mains. Oh ! mon Dieu ! mon Dieu !

Ne croire à rien est, partout et toujours, croire aux êtres vivants, à la grande nature, au monde entier, à l’ensemble immense des faits matériels, moraux et intellectuels, dont fourmille la vie. C’est ce qui s’appelle rien. Tout, c’est un petit monde de faits imaginés, qu’aucune preuve n’appuie. Cette étrange conception est la même en tout pays, et s’exprime partout de même. Grazia n’avait jamais eu, la pauvre enfant, aucune raison d’être plus forte que les autres sur ce point là ; elle n’était donc pas à blâmer. Mais s’ils allaient, elle et Effisio, se diviser, s’aigrir, lutter l’un contre l’autre, quand ils n’avaient qu’une, force leur union, ils étaient perdus d’avance. Je me crus très-supérieur, et fort machiavélique, en portant le débat sur un terrain où Grazia pouvait comprendre du premier coup, sur celui de ses propres croyances, et j’osai appeler à mon secours l’Oraison dominicale, et l’Évangile, et toute la mansuétude chrétienne. Le christianisme n’est-il pas une religion de pardon, de paix et d’amour ?… — On l’assure du moins, — Grazia m’écoutait, doucement rapatriée, suivant ma pensée, étonnée de n’avoir pas songé à cela ; car enfin, oui, le pardon des injures est recommandé par l’Église. Et comment donc se fait-il que les Sardes, un peuple si croyant ?…

Je demandais cela justement, quand elle prit la peine de me le dire. Elle aussi faisait son inventaire, et trouvait dans sa religion, ce capharnaüm antique, des armes pour toutes les batailles.

— Jésus, sans doute, me dit-elle, a eu des conseils de paix et de patience ; car il en faut beaucoup en ce monde ; mais si nous devons être indulgents pour les fautes de notre prochain, il n’y en a pas moins des crimes qui demandent vengeance ; et Dieu lui-même nous montre par son exemple qu’elle est sainte. Ne punit-il pas cruellement