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d’elle, qui s’appuyait à la roche. Elle me dit :

— Aucun troupeau n’est sur ce côté de la montagne et ce n’est point ici un chemin. Nous ne serons donc pas vus ; n’ayez crainte, et tâchons seulement de nous entendre.

Elle se tut ; nous gardions un silence, qu’Efisio rompit enfin.

— Ne nous entendons-nous pas, Grazia, ou bien serait-il possible que vous voulussiez me faire commettre un crime ?

— N’en a-t-il pas commis un, lui ? s’écria la jeune femme, d’un ton âpre qui me surprit dans sa bouche ; n’auriez-vous pas trouvé juste qu’il fût condamné ? Et puisqu’il ne l’est pas, n’est-ce pas à nous à faire justice ?

— Non, ce n’est pas à nous ! Les juges ont pu se tromper ; mais vous les aviez acceptés comme arbitres ; il faut donc recevoir leur décision, telle qu’elle est.

— Et laisser le malheureux assassiné, sans vengeance, dans son linceul sanglant ? Non ! vous ne pouvez pas vouloir cela, Effisio. Ce. serait une grande honte, un manque de cœur dont je ne serai point coupable. J’ai promis sur le cercueil, et je tiendrai ma parole ! N’avez-vous donc point le respect des morts ?

Elle était, — bien plus complétement que nous ne l’avions cru, — toute aux idées régnantes dans sa famille et dans sa patrie. J’en fus abasourdi. — Ah ! me disais-je intérieurement avec amertume, pourquoi les amants, au lieu de se livrer à leurs joies langoureuses, ne profitent-ils pas de la bonne volonté qu’ils ont l’un pour l’autre afin de s’interroger, de se pénétrer mutuellement, de se faire une foi commune ? Il nous faut maintenant essayer cette tâche ardue au milieu de passions surexcitées, de sentiments exaltés, d’irritations faciles et d’obstacles de tout genre ; en un mot, quand nous n’avons plus le temps !

Effisio fut aussi maladroit qu’honnête ; il exposa les idées qu’il avait, telles qu’il les avait : l’immoralité de la vengeance, éternelle semence de crimes ; son inutilité pour l’apaisement des mânes, qui n’ont besoin, osa-t-il dire, d’ancun apaisement.