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tude. Caché derrière les Grosses pierres, je voyais assez loin aux alentours. Aucune silhouette suspecte n’apparaissait. La maison des Ribas me semblait sans lumière, comme toutes les autres ; au loin, çà et là, les chiens aboyaient. Cependant, j’avais le cour serré d’anxiété. J’avais vu, dans ce fatal pays, tant de scènes sanglantes et tant de facilité à lâcher un coup de feu, en guise d’argument ou de remontrance, qu’une explosion, se produisant tout à coup près de l’enclos des Ribas ne m’eût nullement surpris, tout en me désespérant. Dans cette disposition, un bruit léger me fit tressaillir, et bientôt je vis une forme noire, qui glissait beaucoup plus bas que l’endroit où j’étais, se dirigeant vers le lieu du rendez-vous. Avec intelligence, Grazia avait suivi le chemin creux, puis les plis du terrain, qui la dérobaient mieux à la vue. Je fus promptement près d’elle, et, bien qu’elle filât comme une perdrix, dès qu’elle m’eut vu là, elle devint toute tremblante, et se pendit à mon bras.

— Oh ! je fais bien mal ! me dit-elle.

— Non ! vous êtes aimante et courageuse et je vous admire.

— Il faut bien que je lui parle, il le faut ! Oh ! le malheur est sur nous. Cet homme est acquitté !…

Elle était si haletante qu’elle en perdait la respiration, et cependant elle continuait de précipiter sa marche. Quand nous arrivâmes, Effisio courut à elle et, l’entourant de ses bras, l’emmena à l’abri d’une roche, entre deux touffes de lentisques, sorte de grotte formée par l’ombre épaissie, où l’on eut pu la frôler sans l’apercevoir. Je restais loin d’eux, prenant de moi-même le rôle de chien de garde, qui, dans cette circonstance. me semblait le plus intelligent que j’eusse tenir ; mais au bout d’un moment Effisio vint me chercher :

— Elle te veut avec nous, me dit-il, non peut-être sans regret, car sa voix était un peu altérée.

Je le suivis et nous nous assîmes tous les deux auprès de Grazia, un peu en avant