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— L’étranger cherche à entraver nos voies ; mais il ne vaincra pas les fils de Sardus !

L’étranger se retira promptement, en effet, sans livrer bataille, bien que don Antonio fit son possible, pour nous y amener. Quand nous fâmes dehors, Effisio me dit :

— Je la verrai cotte nuit.

— Ah ! répondis-je.

Et je restai partagé entre la nécessité de cette entrevue et la crainte mortelle qu’elle ne fut fatale. S’il nous soupçonnait, s’il nous découvrait, don Antonio tirerait sans pitié sur sa fille comme sur nous. Je demandai la faveur d’être le gardien du rendez-vous.

— C’est convenu, me dit Effisio ; elle a demandé, je dirais presque exigé, que tu vinsses.

— Je lui en sais bien gré. Où la verrons-nous ?

— Là-bas, sur le penchant du coteau qui va du cimetière aux bords de la fontaine de Gurgurigai, sous le premier chêne.

— Qu’elle soit prudente ! murmurai-je.

Et nous attendîmes l’heure, moi, agité d’une impatience douloureuse, lui, silencieux, absorbé, songeant que de cette entrevue allait dépendre leur destinée.

Nous partîmes à minuit et demi, en prenant le chemin hors de la ville. Arrivé près du chêne, Effisio se blottit dans une touffe de lentisques, et moi, dont la présence à cette heure eût moins compromis Grazia que la sienne, j’allai sur le chemin par où elle devait venir.

C’était au travers de cette tanca des Grosses pierres où avaient eu lieu autrefois les rendez-vous de Raimonda et d’Antioco. Les Grosses pierres sont deux blocs énormes, dressés en l’air, et dont l’un, entamé par la mine, se tient sur une base étroite, comme par un miracle d’équilibre. Cet endroit, fort élevé au-dessus du ravin de la route d’Orosei, et qui domine la maison des Ribas, est absolument découvert, comme le sont d’ailleurs tous les terrains autour de Nuoro. Toute forme humaine y saille vigoureusement, et la nuit, assez claire, augmentait mon inquié-