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au séducteur : — Je te crois ; mais je ne veux pas faire rougir ma mère de son enfant, et je ne serai tienne qu’après nos fiançailles. — Puis elle s’est vue trahie, et alors, dans cette âme énergique, la haine a remplacé l’amour. On veut lui faire un crime de ses qualités ; on lui reproche d’être forte ; les Sardes ne pensent pas ainsi : Fils de l’antiquité, ils savent ce que valent les femmes héroïques, et toutes celles, comme Raimonda, qui défendent bien leur honneur et s’estiment haut, ils les estiment et les honorent !

Ces paroles furent confirmées par des applaudissements qui vengeaient Raimonda des insultes du ministère public. Après cela, le défenseur entra dans la discussion minutieuse des faits :

— Oui, Nieddu avait eu l’intention de commettre le crime ; mais au fond, et malgré son courage, cet homme si doux, si porté aux nobles aspirations, n’est pas là dans son rôle ; il souffre, ses nerfs sont excités ; il perd le sommeil. Et l’on veut que pendant des mois entiers il ait joué ce rôle !… En vérité, je voudrais voir M. l’avocat général à ce régime. Il saurait qu’au bout de quelques nuits, quand l’insomnie n’est pas maladive, elle est impossible. L’homme le plus fort est vaincu par le sommeil.

Dans sa péroraison, s’emparant de l’allusion faite par le ministère public à la reprise possible de la vendetta par les Tolugbeddu, le défenseur demanda comment il se faisait que cette famille, tant louée par l’accusation, pût être maintenant soupçonnée par elle d’être capable de tramer et d’exécuter ce même crime, contre lequel M. l’avocat général n’avait pas assez de haine et de mépris, lorsqu’il s’agissait de l’accusé ? M. l’avocat général, quoi qu’il en dit, jugeait donc la vendetta au point de vue des mœurs de la Sardaigne, et n’était pas pour elle sans quelque indulgence ? Qu’il fit donc l’effort de pardonner à Nieddu ses intentions homicides, que le fait n’avait point ratifiées, et qu’au lieu de faire appel à la haine, il fit appel à la réconciliation ! C’est de ce côté-là qu’il fallait chercher la pacification et la moralité de cette province ; l’absolution, la clémence y feraient plus que la rigueur. Il faudrait que la justice donnât elle-même l’exemple d’un esprit moins âpre et de sentiments plus doux ; qu’elle se ré-