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faire un pas en avant dans la civilisation, ou de la repousser peut-être bien loin dans les ténèbres de la barbarie !

Ce fut avec assez d’habileté que le défenseur de Nieddu releva les points attaquables du discours de l’avocat général.

— On avouait que les preuves matérielles manquaient. Il en prenait acte. Mais alors. comment osait on demander une condamnation sur des preuves morales, qui pouvaient être telles pour M. l’avocat général, habitué à voir toutes les actions humaines au point de vue de la culpabilité ; mais non pas telles pour d’autres esprits ? On ne condamne pas sur des preuves morales, ou bien cela s’appelle, dans les mauvais temps, abus de pouvoir et cela flétrit la magistrature ; mais on n’obtient jamais de telles choses de ces juges impartiaux pris aux entrailles de la nation, que vous êtes, messieurs les jurés. Quoi l’on ose vous demander des condamnations pour raison d’État !… Ce procédé a été flétri depuis longtemps ! On fait plus encore, on vous dit : pour l’honneur de la justice en ce pays, condamnez ! Qu’est-ce donc que l’honneur de la justice ? si ce n’est la justice même ?… Prouvez que Nieddu est coupable, soit, alors il sera puni. Mais quand vous reconnaissez vous-mêmes que sa culpabilité n’est pas certaine, comment osez-vous faire appel à la crainte, à l’intérêt politique, et même à l’intérêt personnel, pour obtenir une condamnation ?

Il fit ensuite l’éloge de Nieddu, vanta son intelligence et ses facultés poétiques, cette bonté que tous affirmaient et qui, s’étendant jusqu’aux animaux, dans ce pays barbare, faisait sourire, quand elle aurait dû servir d’exemple. Nieddu, il est vrai, n’est pas supérieur en tout ; le préjugé de la vendetta le possède ; mais c’est qu’il y voit le droit chevaleresque de défendre une faiblesse, que trop souvent la loi délaisse, la femme, odieusement abusée par des serments d’amour On a osé flétrir la confiance de cette jeune fille et frapper, comme toujours, sur la victime. Elle est bien noble et bien forte cette Raimonda ! Et d’abord, on a laissé planer, — je ne veux pas croire que ce soit intentionnellement, ce serait trop odieux ! — des doutes sur sa vertu. Il faut dire bien haut qu’elle s’est préservée, qu’elle est restée pure et a dit