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sa mission de ne rien voir et entendre de favorable à l’accusé, soit qu’il eût, comme bien d’autres (nous en étions), la conviction intime de la culpabilité de Nieddu, fit son réquisitoire un peu différent dans les détails de l’acte d’accusation ; mais, au fond, tout, semblable.

— On a voulu, dit-il, vous tromper sur les preuves matérielles, et il faut convenir qu’une préméditation profonde, un art infini, celui du crime, sont parvenus à les rendre quelque peu glissantes entre nos mains. En l’absence de preuves morales aussi écrasantes que celles que nous possédons, et qui ont porté la conviction dans toutes les âmes, à ce point que le jugement public a depuis longtemps devancé le vôtre ; en l’absence, dis-je, de telles preuves, à défaut d’une telle unanimité, vous pourriez hésiter peut-être ; mais l’hésitation, messieurs les jurés, n’est pas possible. Tous ici, comme partout dans le pays, nous savons que Fedele Nieddu est l’auteur du meurtre d’Antioco Tolgheddu et de Giuseppe Calzu, dit Peperido. Nul n’en doute, aussi bien ceux qui le défendent que ceux qui l’accusent : Et voilà pourquoi, messieurs les jurés, vous devez être sévères. L’indulgence n’est jamais permise à l’égard d’un assassin ; mais elle l’est dans ce pays moins que partout ailleurs. Dans ce triste pays, tandis que la partie saine de l’opinion publique, épouvantée de ne pouvoir compter sur ce que l’homme a de plus cher au monde, sa vie et ses biens, s’unit à nous pour demander la répression du crime, une autre partie, fidèle aux traditions de l’antique barbarie, applaudit le coupable, et ne s’intéresse à ces débats que dans l’espérance de voir la justice en défaut. Grande victoire pour eux, messieurs ! et qui deviendrait bientôt, par un plus vif espoir de l’impunité, la source de nouveaux crimes plus fréquents et plus épouvantables !

Non, vous n’avez pas le droit d’être indulgents car vous êtes en face d’un système, d’un ordre de choses destructeur de toute vie civilisée, et qu’il faut faire reculer devant le progrès social. Les intentions de Nieddu sont évidentes ; il les avoue. Il ne pouvait les nier, après les avoir ouvertement annoncées, après les folles et furieuses menaces de cette fille féroce, pour laquelle