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Voilà ce qu’on disait partout après l’audience. Néanmoins, la conviction où l’on était de la culpabilité de l’accusé était ébranlée. Et, chose bien curieuse, les partisans de Nieddu s’en montraient presque honteux ; ils n’admettaient pas que leur héros eût abdiqué sa vengeance, ou se fut laissé prévenir, et ils osaient dire à mi-voix que vis-à-vis des magistrats il fallait bien prendre ses précautions, qu’on n’était plus au temps où les vaillants hommes pouvaient impunément se vanter de leurs actes de justice… Les familles de Ribas et Tolugheddu déclaraient Nieddu un monstre de duplicité. Don Antonio se montrait abasourdi ; mais ce n’était pas tant à cause de Nieddu que pour l’incident relatif à Pietro de Murgia.

— C’est bien extraordinaire, me dit-il, quand je lui en parlai moi-même. Où donc est-il ?

Mais Pietro de Murgia était parti avant tout le monde. Nous espérâmes, Effisio et moi, que cette lumière projetée sur les allures du cauteleux personnage mettrait fin à l’engouement de don Antonio ; mais le lendemain, comme nous nous rendions aux assises, nous les trouvâmes qui marchaient ensemble amicalement. Pietro à notre vue prit les devants, et don Antonio nous attendit.

L’affaire m’est expliquée, nous dit-il d’un air content. Pietro de Murgia, en sortant de chez moi, où il avait appris qu’on allait arrêter Niediu, a beaucoup pensé à l’imprudence d’irriter cet homme par une condamnation, qui n’eût pu être que de quelques mois, et après laquelle il fut revenu plus terrible menacer la vie de mon pauvre gendre. Il fallait à son avis, et il avait bien raison, que cette affaire fût vidée avant le mariage de Grazia.

Si nous jetons Nieddu dans la montagne, s’était-il dit, il sera facile de nous en défaire sans passer par les mains de la justice. Et il avait communiqué cette idée au malheureux Antioco, lequel d’abord l’accep-