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bien qu’altérée par le masqué, m’avait apporté j e ne sais quels ressouvenirs, avant que son nom vint à ma pensée. Pietro de Murgia avait dans la démarche un certain balancement, qui m’avait frappé la vue, au moment où les siens fuyant de tous côtés, il hésitait encore à se retirer. Ce cordon bleu, ramassé par moi le matin sur le terrain de l’affaire, j’en avais remarqué un tout semblable autour du front de Pietro de Murgia, et je n’avais vu que le sien de cette couleur. D’où lui venait l’argent qu’il dépensait ? D’autres que moi, je le savais, en suspectaient l’origine.

Il avait allégué vaguement l’héritage d’un oncle de Sassari ; mais c’était la première fois qu’on l’entendait parler de parents qu’il eût dans cette ville. Enfin, j’avais à part moi le souvenir de l’avoir vu rentrer avant l’aube, la nuit où la diligence avait été dévalisée près de Silanus. J’avais remarqué sa précaution de marcher sans bruit, les pieds ne son cheval entourés de linge ou de paille, et il avait nié, d’un air menaçant, quand je lui avais parlé de ce fait. Oui, tout me persuadait que Pietro de Murgia était un grassotore, en d’autres termes, un brigand ; et, en songeant que cet homme osait prétendre à Grazia, qu’il combattait le bonheur de mon ami, je songeais à transformer ces preuves morales en preuves matérielles. J’en cherchais les moyens avec ardeur ; et j’étais même heureux de ma quasi-découverte ; car dans l’état actuel de notre moralité, nous considérons les hommes bien plus comme des moyens ou des obstacles, que comme des êtres dont la valeur importe au bien général.

Sûrement, don Antonio, s’il lui était prouvé qu’il méditait de donner sa fille à un grassatore, se hâterait de chasser ce Murgia, et de consentir au mariage d’Effisio. Toutefois, je sentais bien que les motifs de ma persuasion ne pouvaient suffire à un homme, qui était prévenu en faveur de Pietro, autant que moi je lui étais contraire. Il fallait pour don Antonio, une dose de preu-